Lulù Massa, véritable stakhanoviste du travail, est ouvrier modèle dans une usine métallurgique : grâce à son extrême rapidité, son rendement est cité en exemple par son patron. Les autres travailleurs ne voient pas d’un bon oeil ces cadences infernales, et il est détesté de ses collègues dont il méprise les revendications sur les conditions de sécurité au travail.
Bercé par les rêves de la société de consommation entre son amie, son fils Arturo resté avec sa mère après le divorce de ses parents, sa voiture et sa télévision, Lulù réalise parfois la vanité de la vie qu’il s’impose.
Alors qu’il se coupe un doigt accidentellement les autres ouvriers, par solidarité, se mettent en grève. Cet événement provoque en lui une profonde remise en question. Lulù décide alors de s’investir dans l’action syndicale et engage toute son énergie dans ce nouveau combat. Il soutient alors la nécessité d’une grève illimitée…
« J’ai voulu faire un film sur un ouvrier moyen. Sur sa mentalité, sur ses faiblesses, sur ses déchirements. Et je l’ai réalisé avec un langage populaire ». Elio Petri.
Le cinéma populaire selon Elio Petri, on en redemande (même si on sait que le moule est sans doute cassé) ! Quel film ! Truculent, explosif, complexe, grotesque, grandiose, burlesque, tragique ! Tout ça à la fois et sans jamais sombrer dans la facilité, dans le bien pensant, dans la complaisance. Le personnage de Lulù, incarné par l’époustouflant Gian Maria Volonté, porte sur ses larges épaules de prolo toute la richesse contradictoire du film. Ouvrier performant, la tête dans le guidon, abruti par les cadences autant que par les illusions de la société de consommation, écartelé entre deux familles, incapable de donner corps aux désirs bouillonnants qui le traversent, il va être soumis à une sorte de régime de la douche écossaise, brinquebalé par les événements, soumis à des influences antagonistes, lessivé, essoré… Et le spectateur suit le même parcours, jamais en repos, surpris sans cesse, interrogé, interloqué, bousculé en même temps qu’emporté par la puissance dramatique et narrative d’un vrai spectacle de cinéma.